Quand les épaules ploient, Faire Face (juin 2004)
lundi 30 juin 2008

Article paru dans notre magazine Faire Face n° 621, juin 2004 - Auteur : C. Bourgeois, journaliste.

Quand les épaules ploient

Qui veut voyager loin ménage sa monture. Avant de penser au fauteuil, le corps nécessite en premier lieu les soins les plus attentifs et d’abord les épaules. Car sans elles, même le fauteuil le plus sophistiqué ne permettrait aucun voyage en solitaire

La douleur est un avertisseur : c’est un symptôme qui signale un trouble physique ou biologique. Or, dans le cas des douleurs d’épaules, lorsqu’elles se font sentir, le stade des lésions est avancée, avec en prime, de graves conséquences : « Les douleurs d’épaules favorisent une diminution d’endurance non sans conséquences sur le plan cardio-respiratoire », rappelle le médecin de rééducation fonctionnelle, Isabelle Laffont, de Garches. « Parce qu’elles diminuent les possibilités de transfert, de marche ou de propulsion, elles majorent le risque de surpoids et d’escarres. Elles peuvent aboutir à une perte très importante ou même totale de l’autonomie de la personne. » Face à ce problème, la prévention est indispensable : le suivi médical régulier permet un dépistage précoce ; Les diverses pathologies en cause –tendinites, ruptures tendineuses, arthrose, capsulites- requièrent des traitements différents, mais les règles de vie sont identiques : bien régler son fauteuil (lire encadré), éviter le surpoids, organiser judicieusement l’environnement (placer les objets lourds à hauteur de main, faciliter les transferts en réduisant les écarts de plan, etc.), apprendre les règles de protection articulaire (éviter les mouvements du bras au-dessus de l’horizontale et de la tête, éviter les gestes brusques…).

Prévenir certes, mais que faire lorsque les douleurs sont déjà installées ? En effet, une grande majorité de personnes handicapées motrices conjugue la double contrainte douleur raideur, empêchant le moindre étirement.
Pour résoudre ce dilemme, les chirurgiens orthopédistes et médecins rééducateurs du Centre de rééducation fonctionnelle de Kerpape, en partenariat avec les médecins de l’Unité d’évaluation et de traitement de la douleur du pays de Lorient Quimperlé, ont développé un nouveau protocole. « Après la mise en place d’un cathéter débitant un anesthésique pendant une semaine, des séances de rééducation débutent dans le but de récupérer de l’amplitude articulaire », explique Vincent à Kerpape. « Selon les résultats, il semble que notre protocole permette de débuter plus rapidement la rééducation en contrôlant la douleur, et donc de raccourcir la durée d’évolution de la pathologie ».
En effet, les résultats présentés fin mars au congrès KAP Ouest à Lorient sont très encourageants : 80 % de bons ou très bons résultats un mois après le protocole, 60ù à six mois et une grande stabilité du résultat au-delà des six mois.
Alain Glotin, 55 ans, ancien plombier- électricien, tétraplégique depuis janvier 2001, a vu sa vie transformée grâce à ce nouveau protocole : « Je souffrais le martyre. Mes épaules me faisaient tellement mal que je ne pouvais pas même me laisser toucher pour qu’on me retourne dans mon lit. Admis dans le service médullaire du docteur Jean Paul Pedelucq à Kerpape, on m’a posé un cathéter pendant quinze jours. Puis, j’ai fait de la rééducation trois fois par semaine pendant une heure de temps. Et bien, depuis mars 2002 je ne souffre plus. Je peux lever les bras. On peut me tourner dans mon lit en me prenant par les épaules. Mais surtout, dès qu’il fera beau je sortirai faire du fauteuil ! »

Des articulations souples avant tout

Selon des études récentes les douleurs sont proportionnelles à l’ancienneté de la paraplégie de 12% à moins de 5 ans, la fréquence passe à 20ù entre 15 et 20 ans, et à 100ù au-delà de 25 ans. Avis spécial aux femmes paraplégiques, dont le membre supérieur serait moins prédisposé à porter que celui de l’homme.

Aussi, mieux vaut prévenir que guérir. « Lorsque l’épaule est très sollicité, il est fondamental de pratiquer régulièrement la technique d’étirement d’épaule, qui évite davantage les douleurs tendineuses que le simple renforcement musculaire », assure Thierry Albert, du Centre de rééducation fonctionnelle de Coubert. Inutile d’être bardé de muscles, la force est détrônée au profit de la souplesse.

Rouler sur deux roues

« Un fauteuil très stable est très lourd à propulser ; Afin de soulager les épaules, rien ne vaut un fauteuil instable : il roule mieux ! ». Voilà la devise de Bruno Guillon, Kinésithérapeute à Garches, responsable du service conseil en fauteuil roulant de l’institut Garches. Le technicien ajoute aussitôt : « Mais cela nécessite d’abord de maîtriser la technique du deux roues afin de déséquilibrer le fauteuil vers l’arrière pour passer aisément les petits obstacles ». Mais les personnes paraplégiques sont souvent craintives à l’idée de pratiquer le deux roues. Pourtant, sous réserve d’avoir au minimum l’usage des triceps et la possibilité de tendre les bras,
Faire du deux roues ne requiert pas une grande force musculaire mais de l’équilibre ; Si les personnes IMC ou SEP sont moins favorisées, les paraplégiques incomplets et poliomyélitiques peuvent réussir.


Contact : www.handicap.org.