Recherche : Panorama des avancées 2ème partie (Faire Face sept 2008)
lundi 5 juillet 2010


- Recherche : Panorama des avancées 2ème partie (Faire Face septembre 2008).

Parallèlement à la réparation de la moelle épinière, axe de la recherche fondamentale décrit dans le numéro de mars dernier, la seconde piste qui s’ouvre aux chercheurs est la restauration fonctionnelle. Tous les blessés médullaires y aspirent : soigner l’incontinence, recouvrer un jour la mobilité des jambes et/ou des bras, et, bien sûr, remarcher… Panorama des principales voies explorées.

Que ce soit pour les personnes paraplégiques, qui ne commandent plus leurs membres inférieurs à cause d’une lésion située au niveau ou en dessous des vertèbres dorsales, ou pour les tétraplégiques, qui ne bougent pas leurs membres inférieurs et supérieurs, la lésion se situant au niveau des vertèbres cervicales, recouvrer l’usage de la marche n’est pas l’unique rêve. Contrôler sa fonction urinaire ou retrouver quelques gestes de préhension sont des fonctions primordiales pour nombre d’entre elles qui scrutent les résultats de la recherche. Des résultats présentés par le Docteur Luc Bauchet, neurochirurgien au CHU de Montpellier (Hérault), le 17 novembre dernier (voir zoom), à Montpellier, à l’appel de l’APF, de l’Alarme (Association libre d’aide à la recherche sur la moelle épinière), de l’Irme (Institut pour la recherche sur la moelle épinière), et de l’Afigap (Association francophone internationale des groupes d’animation de la paraplégie).

L’autonomie urinaire avant tout

Plus que remarcher, le souhait des personnes para et tétraplégiques consiste bien souvent à voir leurs troubles vésico-sphinctériens amoindris. En effet, elles souffrent très souvent d’incontinence urinaire, ou, pour celles qui utilisent les mictions spontanées ou la percussion pour uriner, d’infections urinaires plus ou moins fréquentes liées aux sondages répétés ou à la vidange incomplète de leur vessie. Non seulement c’est un problème de tous les instants, mais c’est aussi la première cause de ré-hospitalisation, les risques d’infection urinaire et de complications sur le haut appareil urinaire (les reins) s’avérant fréquents. Dans ce domaine, et si la personne accepte un suivi régulier, la recherche a déjà conçu d’intéressantes améliorations techniques. La première solution est la technique des injections répétées de toxine botulique dans la vessie. Paralysant les mouvements incontrôlés, la toxine permet d’éliminer les contractions vésicales à l’origine des fuites et d’augmenter les capacités de rétention, tout en éradiquant les infections. La seconde solution consiste en une cystotomie continente (abouchement de la vessie à la peau du ventre), qui offre la possibilité de s’auto-sonder par voie abdominale, libérant ainsi certains blessés médullaires ou les femmes aux tétraplégies moyennes par exemple. Bien aboutie aussi, l’implantation d’un neurostimulateur dit “de Brindley” (voir encadré), qui permet, par des impulsions électriques à la demande, d’entraîner une miction par les voies naturelles, évitant ainsi les sondages quotidiens. Globalement, selon plusieurs études nationales et internationales, la proportion de patients continents passe de 3 % avant l’implantation à 85 % après. « La section chirurgicale des racines postérieures que nécessite cette technique constitue le principal inconvénient, précise Luc Bauchet. Cependant, si la moelle épinière peut être réparée, les racines postérieures pourront l’être également. C’est pourquoi j’estime que cette technique, qui n’est certes pas récente, peut rendre service à un certain nombre de patients. »

Recouvrer la préhension

Avec l’autonomie urinaire, retrouver quelques gestes de préhension s’avère fondamental pour les personnes tétraplégiques : glisser une clef dans sa serrure ou un CD dans sa chaîne hi-fi sont des gestes quotidiens fondamentaux. Depuis 15 ans, la chirurgie du membre supérieur permet des transferts de tendons ou muscles préservés pour remplacer les inactifs. Les personnes atteintes de tétraplégies moyennes (niveau C6-C7) recouvrent ainsi “la pince” (ouverture et fermeture du couple pouce/index), ou l’extension du coude. Sans risque de rejet, les interventions sont peu douloureuses, mais nécessitent plusieurs semaines d’immobilisation du membre concerné et deux mois de rééducation. L’opération des deux coudes et des deux mains entraîne au total un an et demi minimum d’investissement. Prérequis indispensable : une solide motivation !
Lorsque le transfert tendineux ne permet pas de préhension satisfaisante, et lorsque les personnes n’ont pas de muscles actifs au-dessous du coude, une autre solution chirurgicale existe : l’implantation d’une neuroprothèse, dont le système “Freehand”, [NDLR : main libre] vise à générer une fermeture des doigts. Initiée il y a plus de 10 ans à l’université de Cleveland, aux États-Unis, cette stimulation électrique consiste en l’implantation d’électrodes dans les muscles du bras reliées à un boîtier de commande situé sur l’épaule opposée. Grâce à des mouvements bien précis de l’épaule, la personne commande à sa main de se fermer ou de saisir des objets. Et même si, pour l’heure, seules les personnes dont les lésions sont localisées entre la 5e et la 6e vertèbre cervicale sont concernées, cette fantastique avancée incite les chercheurs à approfondir les stratégies de stimulation nerveuse ou musculaire. « Toutes ces stratégies sont appelées à évoluer avec la miniaturisation, l’évolution des matériaux, et surtout l’introduction d’ordinateurs intégrés, souligne le chercheur Luc Bauchet. Par exemple, le Brain computeur interface (BCI) ou utilisation du cerveau couplé à l’ordinateur, une technique développée initialement pour les patients ayant un locked-in-syndrome, pourrait avoir des applications pratiques chez les para et tétraplégiques. »

Remarcher ? Gardons les roues sur terre !

Même si ce n’est plus le cœur de cible de la recherche, recouvrer la marche demeure un axe de la prospection scientifique. Ainsi, le projet européen Stand up and walk (Suaw, [littéralement “lève-toi et marche”, NDLR]) a-t-il été lancé en 1999 par six pays dont la France. Coordonné par le Professeur Pierre Rabischong, de l’Université de Montpellier, il visait à rétablir une position debout et à rendre possible la marche de manière assistée. Pas question, ici, de réparer quoi que ce soit, mais d’essayer de restaurer une capacité de marche limitée, sur quelques mètres, par un stimulateur électronique placé sous la peau de l’abdomen qui envoie des impulsions électriques aux deux jambes. Un programme informatique contenu dans une puce gère les opérations de l’extérieur, dans un boîtier fixé à la ceinture. Ce projet ne concerne que de jeunes paraplégiques, très motivés, avec une lésion basse, et ayant conservé une bonne structure musculaire. Mais, bien que très médiatisés, et très attendus, les résultats pour l’heure ne s’avèrent pas fonctionnels. Des études ultérieures restent indispensables avant d’avancer des conclusions.
La stimulation d’un “générateur de marche” constitue également une approche intéressante. Tous les mammifères posséderaient, à un certain niveau de la moelle et en l’absence de contrôle du cerveau, une commande capable de produire une marche réflexe : il n’est qu’à observer un nouveau-né dont les circuits de la motricité sont pourtant encore immatures. L’équipe du Docteur Privat, en collaboration avec le Professeur Rossignol, de Montréal (Québec), et le Docteur Jacques Mallet, du CNRS-Pitié-Salpétrière (Paris), a rétabli une locomotion des membres postérieurs chez des rats, après section de la moelle, en stimulant ce générateur de marche par une greffe de neurones embryonnaires ou des cellules non nerveuses. Reste que le délicat problème de leur implantation demeure posé, car le danger de provoquer un traumatisme supplémentaire est tangible. « Les risques de toute thérapeutique médicale ou chirurgicale sont réels, rappelle Luc Bauchet. L’expérimentation est un préalable et l’évaluation doit répondre aux règles technico-éthiques. Nous avançons, mais la réparation de la moelle épinière sectionnée par accident, ce n’est pas pour demain. »

Technique de Brindley : des mictions “électrostimulées”

Toutes les études préalables ont montré l’intérêt de la technique de Brindley pour rétablir la fonction vésico-sphinctérienne. « C’est la seule technique, selon le Docteur Jean-Rodolphe Vignes, du CHU de Bordeaux [Gironde, NDLR], capable dans un même temps de rétablir la continence et la miction, d’abandonner les sondages, et cela de façon définitive. Comme toute technique, elle a ses indications, contre-indications, qui doivent être bien évaluées, d’où l’importance d’une discussion pluridisciplinaire. » Outre l’état de santé, la qualité de vie est largement améliorée (gain d’autonomie, arrêt des sondages, disparition ou diminution des fuites…). En cours, une étude médico-économique menée par le Docteur Vignes vise à déterminer l’impact de cette technique en termes d’amélioration médicale et financière, mais aussi d’homogénéisation du réseau de prise en charge français. Résultats fin 2009.

Zoom Internet

Retrouvez comptes-rendus, diaporamas… des chercheurs intervenus le 17 novembre dernier sur http://www.paratetra.apf.asso.fr/